Charolais
Le mot « charolais » serait-il passé dans le langage courant, comme le fut frigidaire en son temps, pour désigner une (bonne) viande de bœuf ? C’est du moins ce que l’on pourrait croire en lisant la carte d’un bistrot attenant à un restaurant gastronomique sis dans une abbaye cistercienne d’un terroir voisin, datant de 1131. Sous le plat « Entrecôte maturée de bœuf Salers, sauce échalotte » on peut lire cette traduction en anglais : Flank steak Charolais, shallot sauce. Par ailleurs, la similitude phonétique avec une célèbre marque de viande (qui a désormais un nom) ne serait peut-être pas aussi étrangère à ce constat.
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Le Charolais, c’est en fait bien plus que ça. C’est avant tout une magnifique région naturelle, au cœur du Morvan, entre les vallées de l'Arroux et de la Gueye, ayant comme « capitale », la ville de Charolles. Située à la confluence de l'Arconce et de son affluent la Semence, elle est parsemée de nombreuses passerelles fleuries, ce qui lui vaut le surnom de "la Petite Venise du Charolais" (on a aussi la Petite Venise à Colmar et il doit y en avoir d'autres...). Le nom de Charolles pourrait provenir du terme celtique “Kadrigel” signifiant “forteresse d’eau”. L’ancien château comtal de Charolles était une imposante forteresse, située sur un éperon rocheux dominant la ville actuelle, dont il ne reste que deux tours.
Ce terroir a donc donné son nom à la « race à viande » bovine probablement la plus connue, le bœuf de Charolles, AOC (FR) depuis 2010 et AOP (CE) depuis 2014, que les bouchers décrivent comme « une viande tendre, rouge vif, savoureuse, avec un grain très fin et des arômes de noisette, de beurre fondu et d’herbe. » L’AOC déborde cependant largement du seul terroir Charolais tel que défini par notre Observatoire, puis qu’elle couvre pas moins de six départements limitrophes : les 71, 42, 69, 21 ,58, 89.
Et puisque nous sommes dans les appellations protégées, notons que le charolais a aussi son poulet IGP et son fromage de chèvre au lait cru entier AOP soumis à un strict cahier des charges.
Et si traditionnellement l’homme s’occupait des bœufs, la femme s’occupait des chèvres. Ainsi, au XVIIIe siècle, l’élevage caprin est devenu une activité complémentaire aux grands domaines consacrés à l’élevage et à l’engraissement des bovins. Cette pratique, principalement féminine, permettait à la fois de maintenir les haies et les prairies et promettait un revenu additionnel ainsi qu’une amélioration de l’alimentation des ménages.
Le lait de chèvre, parfois mélangé aux excédents de lait de vache, puis moulé dans la faisselle charolaise permettait la fabrication d’un fromage typique de gros format en forme de tonnelet. La production de fromage pur lait de chèvre était courante dans les « locateries » tout au long de l’année. Par contre, la technique du mélange de lait dans les « seigneuries » était un moyen d’accommoder la production saisonnière du lait de chèvre. C’est ainsi que le type de fromage variait au cours de l’année : pur lait de chèvre à partir des mois de février-mars après les mises bas des chèvres, jusqu’au mois d’octobre, puis fromages de lait de mélange. Depuis les années 60, l’installation d’éleveurs caprins spécialisés dans la production de fromages en pur lait de chèvre, sans troupeau bovin allaitant ou laitier et le développement d’ateliers caprins complémentaires aux élevages allaitants a pérennisé cette production. Peu à peu, et grâce à la demande des consommateurs, cette pratique est devenue le paradigme de la production de fromages pur lait de chèvre, et la production de fromages à base de mélange de lait a disparu.
On ne serait pas complet, mais nous ne les seront jamais, tant nos terroirs nous réservent des surprises, si nous ne signalions pas que le Charolais a aussi donné son nom à une race de mouton !
En matière gastronomique, le Charolais partage bon nombre de spécialités avec ses terroirs voisins comme la brioche ou pain aux griaudes (gratons de porc), appelée épogne à Digoin où elle a sa confrérie. Paray Le Monial a aussi sa confrérie, celle des Francs Cacou. Le Cacou est un clafoutis aux cerises dans lequel il est primordial de laisser les noyaux. La légende du Cacou remonte au 14e siècle, lorsque la peste ravagea ce Pays. A Paray-le-Monial, seuls Lucas Coup et sa femme, la Glaudine, réchappèrent à cette épidémie. Ce couple repeupla vaillamment la cité, et leurs fils Jean-Marie inventa une recette de gâteau à la cerise qui lui sauva la vie à de nombreuses reprises. Le cas de cette famille devint tellement important qu'on l'appela le Cacou, qui donna son nom à cette spécialité (source: tourismecharolaisbrionnais.fr). Citons enfin l’entrecôte de charolais Bareuzai (bourgogne blanc ou rouge, champignons, beurre, échalotes…), les escargots, les œufs en meurette, le coq au vin, la truite farcie, et, the last but not the least : l'escarboeuf mariant la joue de bœuf charolais et l’escargot de Bourgogne.