Couserans
À l'ouest de l’Ariège, frontalier de l’Espagne, le terroir du Couserans est formé par dix-huit vallées, creusées par le Salat et ses affluents. Il fait partie intégrante du Parc Naturel Régional des Pyrénées Ariègeoises, dominé par le Mont Valier, le pic de Maubermé et le Mont Rouch, à plus de 2800 m. Le Haut-Couserans et le Saint-Gironnais sont les deux entités qui constituent ce pays de tradition gasconne. Le marché de Saint-Girons, sa ville principale, qui se tient le samedi, est une formidable vitrine de la gastronomie du Couserans ! Tout comme le marché aux fromages et aux miels des Pyrénées qui se tient au mois d’août à Castillon-en-Couserans.
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Si, du XIVe siècle jusqu’au milieu du XXe siècle les mines de plomb argentifère et zinc d’Aulus-les-Bains ont participé activement à la prospérité économique du Couserans (près de 40 tonnes de minerai d’argent en ont été extraites), c’est aujourd’hui la tradition paysanne d’agriculture et d’élevage qui prime. Ce terroir partage ainsi la riche gastronomie issue de ses produits du terroir avec celle de l’Ariège et de la Gascogne en général, tout en ayant ses spécialités typiques.
Notamment ses fabuleux fromages tant issus du lait des vaches que des brebis et des chèvres. Le plus célèbre d’entre eux est la tome au lait cru du Couserans que l’on trouve sous des appellations de marque diverses comme Bethmale, marque déposée en 1979 à l’INPI par Ernest Domenc à Bethmale sous le nom initial de « Montagne de Bethmale » et désormais exploitée par plusieurs fromageries. Cette commune a aussi donné son nom à sa magnifique vallée. Le « Bamalou » ou le « Moulis » sont eux aussi des fromages à pâte pressée non cuite qui portent des noms de marques commerciales déposés par des fromageries. Noms issus d’appellations vernaculaires ou noms de lieux, comme le sont l'oustet, le rogallais du Couserans ou l'amou. Curnonski et Crozes avaient remarqué ces fromages qui n'avaient pas encore été estampillés dans les années trente, à Aulus, Oust et Castillon en Couserans aux côtés des civets, râbles à la broche et pâtés d'isard au vin blanc. Le CNAC ne retient pour le Couserans que la tome au lait cru, avec un seul « m ».
Le Bethmale est finalement devenu un nom générique, et mettre son bethmale au frigidaire revient finalement pour le puriste à mettre sa tome du Couserans au réfrigérateur! Quoi qu’il en soit, c’est un grand classique des fromages ariégeois, incontournable sur toutes les bonnes tables du Sud-Ouest et d’ailleurs. La production de tome a commencé à se standardiser à partir de 1850. Produit à base de lait cru de vache de race gasconne et souvent décliné en brebis, chèvre ou mixte (dit « barrejat » en patois ariégeois). Sa pâte particulièrement aérée offre de délicieuses notes de noisette !
Le moulis, lui, tient sa particularité à son affinage sur des planches de sapin. Également aéré et fabriqué avec la même méthode que le Bethmale (traditionnelle et avec peu de moyens techniques), à partir de lait cru de vache, le moulis est une valeur sûre parmi les tomes pyrénéennes. Ses déclinaisons au lait de brebis et de chèvres ou mixtes sont un régal ! Le Bamalou et le Rogallais affichent à peu près les mêmes caractéristiques.
Le Pic de la Calabasse, encore une marque déposée, est fabriqué à l’extrémité ouest de l’Ariège dans la vallée de la Bellongue. C’est de là que démarra "La Guerre des demoiselles », révolte de la misère contre les riches exploitants des forêts sous le règne de Charles X vers 1830 et dont l’origine était une nouvelle réglementation drastique du code forestier interdisant ou réduisant le ramassage du bois, les coupes, les pâturages, la pêche, la chasse, la cueillette et le marronnage.
Le fromage est très présent dans la cuisine locale, avec pour exemple la croustade du Couserans désormais déclinée en croustade au fromage. En fait, la « vraie » croustade du Couserans est un produit artisanal, à base de pâte feuilletée avec un quadrillage de pâte brisée sur sa face supérieure. Il existe également une recette particulière dans le Volvestre : la pâte n’est pas feuilletée, elle est faite à base d’œufs. Sa garniture est à base de fruit frais, pommes, poires ou pruneaux secs. On y rajoute à sa guise rhum, vanille ou eau de vie pour parfumer le tout. Quelques entreprises se sont créées autour de cette production; elles conservent une taille artisanale. En savoir plus
Dans la vallée de Bethmale, se trouve une particularité vestimentaire du costume traditionnel bethmalais : le sabot de Bethmale. Les sabots de Bethmale sont des sabots de bois de hêtre, dont la spécificité est leur bride en métal sur le dessus, l’absence de talon sous la semelle et leur pointe sur le devant (pouvant atteindre jusqu’à 30 cm), leur donnant cette forme de croissant de lune si caractéristique. Traditionnellement, ces sabots étaient offerts lors de fiançailles, et on dit que plus la pointe était effilée, plus l’amour était ardent. De nos jours portés essentiellement par les groupes traditionnels pour les représentations, ces sabots ont une légende associée plutôt macabre…
La légende des sabots de Bethmale
Au IXème siècle, les Pyrénées sont envahis par les Maures. Dans la vallée de Bethmale, le fils du chef des Maures s’éprend de la plus jolie fille de la vallée, Esclarlys, qui signifie « teint de lys sur fond de lumière ». Mais elle est déjà fiancée au berger Darnert, redoutable chasseur d’isards, retranché dans la montagnes avec les hommes de Bethmale. Une nuit que les Maures étaient en train de festoyer, Darnert et ses compères descendent dans la vallée pour les surprendre et les massacrer. Au petit jour, on voit alors défiler Darnert à la tête des vainqueurs. Sur la pointe de ses sabots effilés sont plantés, encore sanglants, le cœur de sa fiancée et celui du Maure. Depuis ce temps, les sabots que les nobios (fiancés) offrent à leur dulcinée sont ornés du dessin d'un cœur.
Les légendes sont utiles à la cohésion d’un terroir, à sa compréhension et à la délimitation de ses contours, au-delà des seules considérations géographiques et géologiques. Elles lui apportent les éléments d’une histoire qui a forgé des pratiques sociales qui ont unifiés les hommes et les femmes qui y vivent ou qui y sont attachés par des liens invisibles. Elles sont même indispensables puisque ce sont elles, les légendes, qui baignent les racines des natifs ce de ce terroir et qui entretiennent ces liens à travers les siècles.
L’histoire de ces sabots pointus et de leur aspect en est un bel exemple. Sur la légende des Maures et du berger jaloux, anatomiste à ses heures, se greffent d’autres hypothèses, plus prosaïques, pour expliquer la forme et la spécificité de ces sabots. Une « importation » d’un seigneur local de retour de croisade ou d’un commerçant de retour d’Orient quelques siècles plus tard ? Un « défi » aux autorités forestières qui changèrent les règles du code forestier qui a conduit à la Guerre des Demoiselles à propos du bois dans lequel étaient taillés ces sabots ? Ou alors cette pointe très élancée avait-elle tout simplement une fonction pratique, en permettant de se sortir plus aisément de ces tourbières des Pyrénées qui agissaient comme des ventouses sur les sabots des bergers qui s’y hasardaient ?
Légende, coutume ou mode importée, signe de rebellion ou système D ? Ou tout à la fois ? Quoi qu'il en soit Les sabots de Bethmale continuent d’intéresser les curieux, les passionnés et les collectionneurs. Ils sont une curiosité du terroir du Couserans pour les touristes, un signe de reconnaissance et un ciment vernaculaire pour ses natifs et ses habitants.
Et puis, le Couserans c'est aussi le pays des ours, magnifiquement décrit dans le roman de Clara Arnaud Et vous passerez comme des vents fous